Les Cris du Quartier est une association loi 1901 créée en 2015 dont la mission principale tourne autour d’un objectif d’éducation populaire, sur le quartier du Crêt de Roc à Saint-Étienne, mais pas que. Elle est animée par des bénévoles majoritairement issus du milieu militant progressiste stéphanois, mais pas que :), donc l’adhésion et l’animation y est évidemment ouverte à toutes et tous. Le terme d’éducation populaire fait partie de ces mots « caoutchouc » qui sont prononcés facilement, notamment par des professionnels de la politique, sans pour autant être correctement définis et dont le sens peut, de ce fait, être rapidement galvaudé. Nous proposons donc au lecteur de cette présentation de revenir sur son sens originel, qui nous tient à cœur. L’éducation populaire est forcément un outil au service des subalternes. En effet, il s’agit d’un moyen collectif permettant à chacun de prendre conscience de la place qu’il occupe dans la société. En soit, si l’on part de ce postulat, l’éducation populaire n’est pas quelque chose de contrôlable parce qu’elle s’effectue lorsque certaines conditions sont réunies et est le résultat d’un certain rapport au politique, dans son sens noble. Par sa fonction, elle amène chacun à décrypter les rapports de dominations effectifs dans la société actuelle et à construire des contre-pouvoirs nécessaires, basés sur l’expérimentation sociale. Voilà ce qui constitue une base d’actions qui, en pratique, se concrétise sous différentes formes.
Les dates
Depuis 2015, l’association organise certains événements sur le quartier du Crêt de Roc principalement, mais dont certains ont pu se produire aussi au sein de l’Amicale Laïque de Tardy. Ces événements, d’abord mis en place le 1er mai et le 14 juillet, ont vu s’y rajouter la date du 23 juin ou 24 juin (un samedi, en fait) et ont en commun qu’ils se déroulent sur un lieu public, à considérer qu’une amicale laïque est aussi un lieu public. Vous l’aurez compris, les deux premières dates sont symboliques. Nous souhaitions « réchauffer » ces deux fêtes, dans le sens où elles ont peut-être été « refroidies » par leur caractère récurrent et cérémonial. Ainsi nous voulions accompagner le cortège de la fête internationale des travailleurs et permettre la rencontre de militants syndicaux et politiques qui joignent traditionnellement la manifestation avec des personnes qui n’ont plus ce réflexe, pour diverses raisons, conséquence à la fois du délitement des idées de gauche depuis les années 80, aussi par l‘épuisement symbolique de cette commémoration, etc. Nous respectons donc cette tradition historique mais pensons qu’il faut revivifier l’idée de base, la célébration des travailleurs du monde entier, la mise en avant de leurs revendications face à une société capitaliste qui nie justement leur rôle de créateurs de richesses. La « fête du 1er mai », qui s’est déroulé au sein d’amicales laïques, devrait permettre à terme d’être le support de la célébration, par la mise en place d’expositions, conférences, le tout dans une ambiance bienveillante et festive, afin d’y ré-insuffler sa symbolique originale.
Le 14 juillet n’a pas la même vocation puisqu’il s’agit d’une fête nationale qui, depuis longtemps, s’est transformée en sa propre parodie, avec défilé militaire et mise en avant de discours nationalistes de tout bord. D’où l’on a peut-être oublié ou bien figé l’acte révolutionnaire qui l’a produite. C’est ainsi que nous voulions permettre la production d’un autre discours sur la révolution française, où l’on ne célèbre pas la toute puissance de la nation mais, au contraire, la capacité de la population d’un territoire de changer radicalement, par ses actions, l’ordre social effectif à un moment donné. En gros, si cela a déjà été possible, cela l’est encore, à supposer que l’ordre économique et social pourrait s’avérer injuste ? La réponse est dans la question. Concrètement, nous n’avons pas encore dépassé le stade de l’événementiel, mais nous permettons à des artistes locaux d’animer l’espace public, et essayons de permettre au maximum d’initiatives de se mettre en place lors de cette journée, l’idée étant que ceux qui souhaitent participer à l’événement soient libres de le faire, l’association se chargeant juste d’assurer le bon fonctionnement de la journée.
La date du 23 ou 24 juin, avec la « fête des escaliers », vient s’ajouter aux deux autres parce qu’elle explore la capacité d’appropriation de l’espace public. C’est ainsi que nous avons pensé animer la journée dans les escaliers du Crêt de Roc. Cela nous amusait de pouvoir transformer un lieu de passage, qui plus est bâti à l’origine pour permettre aux troupes répressives de monter rapidement dans le Crêt de Roc escarpé et ouvrier afin de faire taire les contestataires, en une sorte d’agora où aussi, chacun peut venir animer cet espace, passer d’un étage à un autre en rencontrant des associations locales, se servant des marches comme siège pour pouvoir regarder et écouter un concert, etc. C’est ainsi que les rampes devenaient support à une exposition photographique sur le quartier par des étudiants des beaux-arts, que les lampadaires se paraient des dessins colorés des enfants de l’amicale laïque du Crêt de Roc, que certains paliers accueillaient des jeux pour enfants ou des ateliers de cirque, que l’estrade principale devenait estrade musicale.
Les lieux
Nous avons déjà évoqué la capacité des escaliers à se transformé en parcours ludique pour petits et grands. Il s’agit du même état d’esprit pour ce qui concerne le « bal populaire » du 14 juillet, au square Dujol au Crêt de Roc, soit la transformation du lieu en quelque chose de vivant, impliquant toutes celles et ceux qui le veulent à poser sa touche, dans l’idée que ce sont les participants qui font événement, donc dans une idée profondément populaire de la fête, où les Cris du Quartier ne servent que comme outil au service du fonctionnement général. Dans cette idée, nous appelons d’ailleurs le maximum de personnes à participer. Le choix du Crêt de Roc est un concours de circonstances, par le fait d’une part que la majorité des membres de l’association sont habitants du quartier, d’autre part que nous avons pu établir des liens avec des structures du quartier qui nous ont été très accueillantes sur nos projets. C’est ainsi que le 1er mai se déroule maintenant au sein de l’Amicale Laïque du Crêt de Roc, aussi partenaire de tous nos événements. La présence des amicales laïques à Saint-Étienne, et surtout leur maintien, est très spécifique au bassin stéphanois et a énormément de liens avec son histoire ouvrière. C’est ainsi que les amicales laïques se voulaient aussi être des maisons du Peuple et ont été créées dans cette optique. C’est pourquoi nous pouvons nous entendre complètement sur le fonctionnement et les objectifs dans le quartier, et aussi dans cette optique d’éducation populaire. Nous collaborons alors étroitement et régulièrement par des interventions dans le quartier et essayons de sortir du côté événementiel de nos manifestations pour nous développer à long terme, permettre aux habitants du quartier d’être en lien et stimuler l’auto-initiative citoyenne. Le fait est que l’Amicale Laïque du Crêt de Roc, comme la plupart des amicale, souffre d’un désengagement financier des collectivités locales, se percevant par l’état d’entretien du bâtiment ou par la rémunération à la baisse des professionnels travaillant en son sein, ne permettant pas de rémunérer leur travail à leur juste valeur. Face à cela, nous avons souhaité nous investir au sein de l’amicale, par exemple en rénovant collectivement, avec le peu de moyens dont nous disposons, l’espace en rez-de-chaussée, avec l’objectif d’en faire un lieu convivial et accueillant, à disponibilité de toutes et tous. La plupart des membres de l’association sont aussi parfois perplexes devant l’intéressement des pouvoirs publics à mettre en concurrence les amicales laïques en les labellisant, quand bien même celles-ci sont nécessaires dans tous les quartiers et auraient raison de se structurer toutes ensemble pour faire valoir leurs droits d’existence et leurs justes indemnités de fonctionnement. Car, si nous pouvons encore compter sur notre volonté et notre bonne humeur, encore faut-il que les pouvoirs publics reconnaissent l’utilité publique des ces structures et fassent confiance aux habitants pour animer leur propre quartier.
Les compagnons de route
Nous travaillons avec la plupart des associations présentes sur le Crêt de Roc, tant qu’il n’y a pas d’enjeux de pouvoirs entravant le déroulement des événements, ainsi qu’avec des artistes du cru local. L’objectif reste, à terme, à rémunérer correctement les prestations s’il y a cachets à signer, et nous remercions tous les artistes qui ont acceptés, car ils soutenaient notre projet global, un cachet à minima. L’objectif est évidemment que les événements s’autofinancent, à justes rétributions et qu’ainsi ils s’autonomisent, ce qui signifie que tous les participants jouent un rôle signifiant dans leur organisation. Nous avons pu observer que certaines structures ont pu souffrir ou disparaître car trop dépendantes des subventions. Ainsi l’idéal nous incombe d’éviter ce genre de dépendance et d’expérimenter ce fait, dans la mesure du possible. Nous ne sommes pas nous plus dupes de certains élus qui, à dessein électoral, font les yeux doux à certaines structures ou initiatives. Ce n’est pas notre vision du politique et de l’éducation populaire, qui sous-tend que chacune et chacun peut prendre son destin en main et que ce qui est visé, ce n’est pas seulement le développement ou l’épanouissement personnels : c’est bien l’émancipation individuelle et collective, et la transformation de la société. Nous invitons alors celles et ceux, acceptant ce fait, à devenir nos compagnons de route ;).