Sylvain Begon – l’Apprenti Politiste Stéphanois.
J’ai pris une certaine distance vis-à-vis du mouvement des gilets jaunes afin de mieux comprendre les objectifs de ce mouvement, mais aussi afin de comprendre plus concrètement et scientifiquement, à quoi il correspondait. J’ai cherché à avoir la hauteur de vu, et la distance scientifique qu’impose un tel raisonnement, me détachant de mes diverses étiquettes, dont celle de l’« Apprenti politiste stéphanois » dont le projet est de mener une dénonciation au vitriol. Ce ne sera pas le cas cette fois.
Dans un premier temps, il me semble évident de voir dans ce mouvement un parallèle avec les mouvements des « sans ». Ce peuple inaudible et non représenté politiquement semble prendre vie pour la première fois sous nos yeux, comme si le monde du silence en avait marre de fermer sa gueule. Ces oubliés, ces silencieux, ces désespérés, ces désintéressés, ces perdus en chemin, ces désabusés, ces citoyens de la nouvelle France, ont trouvé dans ce que l’on pourrait appeler un signifiant vide, un moyen d’expression politique nouveau. Et c’est donc par le biais du gilet jaune que se coagule peu à peu des revendications inattendues aussi diverses soient-elles.
La première des analyses consiste à dire que ce mouvement est profondément dans les aspirations démocratiques classiques. Le peuple, dont la représentation traditionnelle usurpe l’identité et confisque le pouvoir comprend qu’il ne peut être justement représenté qu’uniquement par lui-même. Dans la diversité des points de vus, des revendications, des engagements, des motivations et des visions de chacun des citoyens s’exprime une revendication unique et universelle : celle de reprendre le pouvoir. Chacun a un avis sur la situation, qu’il soit gilet jaune, soutien des gilets jaunes, ou opposant, chacun veut avoir son mot à dire, et chacun a compris que, pour ne pas être perverti, ce mot se devait d’être le sien, et uniquement le sien.
Ainsi, c’est bien la démocratie représentative et monarchique qui me semble être visée ici. Les citoyens ont compris que, quel que soit le représentant, la réalité sera pervertie, le pouvoir confisqué. De cette conclusion, il nous est clair que doit advenir une sixième République, revendication importante des gilets jaunes. Celle-ci devra être celle de la démocratie directe, de la démocratie numérique, du pouvoir au peuple. La représentation traditionnelle corrompt le pouvoir que donne le citoyen à celui qui se prétend devenir son porte-parole, alors que celui-ci le laisse esclave volontaire. Cette sixième République devra donc être celle des idées, des propositions de lois, et du concret. Si la parole a une vertu en démocratie représentative, c’est l’action qui prime dans le projet de démocratie directe.
Un des apports du mouvement des gilets jaunes est aussi l’immense majorité qui soutient ses revendications, preuve qu’une force quasi unanime se rassemble et se coagule dans les revendications des gilets jaunes, ce qui fait dire au journal Marianne qu’ils sont le peuple, et ils ont raison de le dire ainsi. Oui, le peuple existe, et ses aspirations sont populaires, soutenus par plus de 70 % des français. Ainsi, la hausse du smic ne fait plus débat, la hausse des pensions de retraite et du point d’indice des fonctionnaires gelés depuis 2010 aussi. Le rétablissement de l’ISF est désormais aussi plébiscité, tandis que la transition écologique est soutenue largement, quand il s’agit de faire payer les grandes entreprises et les lobbys européens.
Alors qu’attendons-nous pour mettre en œuvre ce programme d’intérêt national ? Qu’attendons-nous pour mettre en place ces positions défendus par pléthore de citoyens aussi divers qu’ayant des intérêts communs ?
L’obstacle est la politique représentative. Chacun a son parti, et certains ne veulent pas voter. Certains hommes politiques font peurs. D’autres manquent cruellement de charisme. D’autres héritent du stigmate de l’incompétence, quand certains et certaines se trainent un héritage familial trop lourd à porter. Dans tous les cas, un obstacle émerge, celui de l’incarnation de ces propositions, comme si le peuple voulait quand même voter « pour un Homme », et non pour des idées.
Là réside la réponse globale qui est la mienne. Ne votons plus pour une personne, mais pour des idées. La démocratie numérique peut nous permettre de décider nous-mêmes des lois, et d’un programme. Les mouvements politiques, dont le parti communiste et la France Insoumise font bien voter leurs adhérents sur les priorités politiques et sur les mesures à mettre en place en premier … Pourquoi ne votons-nous pas directement pour des mesures, des projets concrets plutôt que pour des hommes, qui par leur nature intrinsèque sont naturellement imparfaits ?
Sachez que « rien n’est plus puissant qu’une idée dont l’heure est venue », disait Victor Hugo. Précurseur, c’est bien le siècle des idées qu’il nous faudra mettre en place maintenant. La 6ème République, son dégagisme total, et l’aspiration aux idées est la seule chance de notre démocratie, car elle redonne le pouvoir au peuple, tout le pouvoir, sans illusion, ni désillusion possible pour lui.
Enfin, la deuxième analyse est écologique. Les citoyens ne sont pas prêts à sacrifier le social et l’économie pour l’écologie. L’écologie n’est pas un principe, une étiquette qui veut dire que le monde est beau, le produit est bon, et la vie « feel good ». Non, l’écologie est une réalisation concrète qui suppose, comme le montre les cercles concentriques du développement durable, une prise en compte sociale, économique, et écologique. L’écologie ne peut pas être une étiquette, un simple label. Elle doit être totale et collective. Elle doit être choisie librement par son peuple, et forger des espoirs nouveaux : de l’emploi, de la justice sociale, de l’égalité devant la loi, de nouveaux droits ! Elle ne peut pas être qu’un simple logo qui fait bander l’électorat bobo, qui ne sait plus quoi faire pour rajouter 50 mètres de piste cyclable pour des vélos électriques aux batteries au lithium, et rajouter une énième épicerie bio qui importe des produits de Chine et du Guatemala… L’écologie doit être concrète et utile, positive pour chacun et pour tous !
Voilà, mon humble vision de la situation… Elle n’est pas exhaustive mais là se forge les deux analyses que je voulais mettre en exergue, et dont la lecture je l’espère vous invitera à passer à l’action, pour une écologie populaire et une sixième république des idées.