Avec Florian Duron, nous nous sommes souvent croisés dans les manifs à Saint Etienne, notamment celles contre la loi Travail, avant de nous retrouver autour de «L ’appel des cent » puis de « Travaillons ensemble en Loire Sud » en vue de favoriser une irruption citoyenne à gauche et de construire une alternative à une société de plus en plus libérale, individualiste et inégalitaire. Au fil du temps, nous avons beaucoup sympathisé et c’est avec plaisir que je l’interviewe aujourd’hui.
Bonjour Florian, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Bonjour je m’appelle Florian DURON j’ai 28 ans et je suis né à Saint-Étienne après des études de Science Po à Lyon j’ai passé un Master Métiers de l’éducation car cela m’a toujours passionné. J’ai exercé plusieurs métiers toujours dans le secteur public, notamment à l’aide sociale à l’enfance à l’Education nationale, à la mairie de Saint-Étienne comme vacataire et animateur de club « Coup de pouce clé « …
Un club de lecture destiné à des enfants de CP fragiles en lecture… ?
Oui, un club réduit à 6 personnes (5 enfants et moi) qui m’a montré à quel point un accompagnement individualisé peut être bénéfique car l’accompagnement est, de fait, plus adapté à chacun et le temps qu’on peut y consacrer, de fait, plus important, porte réellement ses fruits.
Quelles sont les raisons qui t’ont poussé ensuite à te réorienter vers les Finances publiques ?
Concernant ma réorientation vers les finances publiques, je dirai que l’enjeu fiscal m’apparaît aujourd’hui majeur au vu de toutes les politiques sociales, sanitaires et éducatives de qualité que l’État pourrait mener s’il ne perdait pas chaque année environ 100 milliards d’euros du fait de comportements trop souvent inciviques. On parle souvent des incivilités, mais rarement de l’incivilité fiscale. Or, pourtant, celle ci nous coûte très cher.
Par « comportements inciviques » , tu parles de tous les exilés fiscaux ?
Exactement !
L’éducation est toutefois restée une passion pour toi à travers tes différents engagements associatifs notamment à travers l’association « Terrain d’entente » sur Tarentaize… Peux-tu nous parler de cette passion de l’éducation et de l’association « Terrain d’entente» ?
Ma passion de l’éducation s’explique d’abord par le fait que les enfants et les jeunes sont des personnes par nature extrêmement reconnaissantes lorsqu’on prend le temps de s’occuper d’eux, plus que les adultes en tout cas (rires). Plus sérieusement je dirai que quand on s’occupe des plus jeunes de notre société, c’est paradoxalement notre avenir et celui de la société toute entière que nous préparons. L’association « Terrain d’Entente », est une association qui s’appuie sur la « pédagogie sociale » portée notamment en France par Laurent OTT et sur la « pédagogie de projet » chère à Célestin FREINET. Au delà du fait qu’elle accueille de manière inconditionnelle et gratuite toutes les familles, en leur proposant jeux, activités et sorties toujours gratuites, le fait en partant systématiquement des envies des gens et non des volontés des membres de l’association. L’association réfléchit en permanence sur ses actions et sur les événements qui peuvent se produire au jour le jour sur le terrain. Enfin, les envies peuvent parfois ne pas s’exprimer facilement, mais les bénévoles n’abandonnent jamais l’idée de les faire émerger. Je suis vraiment ravi de la faire connaître car elle fait un travail conséquent avec bien peu de moyens.
Je reviendrai, à travers d’autres interviews à venir, sur cette méthode d’éducation qu’utilise cette association mais aussi quelques autres car c’est une méthode à laquelle je suis attaché moi aussi et directement concerné, depuis des années, en tant que professeur de théâtre. Voici une autre question qui relève du domaine associatif:
le président Macron et son gouvernement ont supprimé 160 000 contrats aidés et le maire de Saint Etienne accepte, comme une fatalité, que les associations de la ville connaissent des « difficultés majeures », certaines finissant par disparaître. As-tu un point de vue là-dessus ?
Le maire de Saint-Étienne rejette en effet uniquement la faute sur l’État. Mais sa politique est en réalité assez similaire: Les priorités politiques n’étant pas au soutien associatif (on le voit notamment avec la fermeture d’Amicales laïques à Saint-Étienne) mais à d’autres secteurs, et ce chez tous les financeurs désormais (État, Région, Département et Commune), les associations sont plus que jamais dans la difficulté et cela est catastrophique dans la période pourtant troublée que nous connaissons. Car s’il est vrai que l’on arrête les terroristes grâce à la police, on évite leur existence par une éducation basée sur des valeurs Républicaines.
Sur un autre sujet, tu es aussi passionné de foot et, depuis 2013, tu participes à la vie d’un club de foot sur le quartier de Montreynaud. Peux-tu nous en parler et nous dire, d’une façon plus générale, quelle est ta vision du sport ?
Le foot est pour moi une grande passion. Normal on est quand même à Saint-Étienne la capitale de la France du foot. D’ailleurs je suis abonné au sein des Green Angels depuis de nombreuses saisons maintenant. Cette passion, couplée à mon goût pour les questions éducatives, m’a conduit dans le quartier de Montreynaud, que je connaissais de nom comme tout le monde mais non pas sur des « on-dit » comme la plupart des gens qui n’y mettent pas un pied mais à travers des amitiés d’enfance. Le sport est un fantastique vecteur de santé évidemment, mais au delà de cela d’éducation car les jeunes y apprennent à collaborer ensemble, le jeu collectif et la passe étant pour moi plus importants que le reste, mais aussi à respecter l’adversaire. Les nombreux éducateurs que j’y ai rencontrés insistent beaucoup là dessus. Ce sont des personnes formidables qui donnent de leur temps et de leur argent sans compter » et sans qui rien ne serait possible. Là encore, le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne sont pas aidés. Les coups portés aux contrats aidés ont évidemment été négatifs pour eux, mais aussi quand on entend certains élus dirent que l’État ne doit pas financer les clubs amateurs… Sauf que si l’État ne le fait pas, le prix des licences devient inaccessible. Cela n’est tout simplement pas envisageable car le football doit rester un sport populaire.
La politique t’intéresse également. Quel est ton parcours en politique ?
Mon parcours politique est assez simple: Militant au PS depuis mes 20 ans, j’en suis parti en 2018 juste après le Congrès, car j’ai trouvé que le résultat de ce Congrès montrait très clairement que les militants socialistes n’avaient rien appris du passé. Alors que la gauche se retrouve aujourd’hui dans un état catastrophique et que le PS lui-même n’était déjà plus audible et avait, par un certain nombre de renoncements, perdu la confiance des électeurs, les militants ont placé largement en tête une personne sans charisme ni ligne claire, et en deuxième position, un ancien ministre pour qui tout a été parfait pour la gauche au gouvernement, et pour qui rien ne doit être remis en cause. Somme toute, tout le contraire de ce qu’il fallait: Une analyse des bonnes et des mauvaises choses, une voix audible dans le paysage politique et médiatique, enfin une clarté dans la ligne et les convictions. C’est tout le contraire qui a été décidé par les militants et c’est bien dommage. Depuis, je suis un simple citoyen engagé et pour l’heure j’oeuvre surtout pour l’unité de la gauche à travers le mouvement « Gauche Démocratique et Sociale » de Gérard FILOCHE.
Mais, sur le coin, tu es resté fidèle à Régis Juanico qui dit être socialiste même si il a rejoint Génération s, un mouvement dirigé par Benoit Hamon et composé essentiellement de socialistes déçus par le gouvernement d’Hollande… ?
Concernant les socialistes, après y avoir milité sans compter mon temps, je ne souhaite plus y apporter ma caution. En effet, je suis resté fidèle à Régis Juanico car on reconnaît, je pense, les militants dans les bons moments mais aussi et même surtout dans les mauvais, lorsque tout semble, comme en 2017, perdu. Et Régis est quelqu’un qui bosse beaucoup. Á cet égard, la victoire de 2017 à 23 voix près fut un moment de militantisme assez inoubliable. Néanmoins, il y a d’autres aspects qui me dérangent chez Benoit Hamon et ses soutiens dont fait partie Régis. Je trouve que son mouvement ne fait que morceler un peu plus la gauche. Il y a aussi des paradoxes démocratiques entre ce que prônent certains membres de Génération.s en matière de 6ème République et leurs pratiques, en particulier au sein des organisations de jeunesse dont ils sont issus en grande partie. Je ne regarde donc pas du tout ce Mouvement avec bienveillance. S’ils veulent, dans la clarté, se joindre à une démarche Unitaire, je ne les exclurai pas par contre car ce serait contraire à ce que je dis par ailleurs, et sur le plan programmatique nous partageons évidemment pas mal de choses.
En 2020, serais-tu prêt à soutenir une liste citoyenne qui dépasse largement le cadre des partis politiques ?
Il est clair qu’en 2020, sur le plan local, il faudra faire confiance aux citoyens engagés et reconnus. D’abord parce que les partis politiques sont trop divisés selon moi pour arriver à enclencher une dynamique victorieuse à gauche. En tout cas, l’état d’esprit n’est clairement plus chez nos concitoyens de gauche en particulier à donner leur voix à de simples apparatchiks qui tireraient seulement leur légitimité de leur appartenance partisane. Ils souhaitent voter pour des gens qui mettent les mains dans le cambouis, qu’ils connaissent et sur qui ils savent pouvoir compter. Ensuite parce que le besoin de démocratie n’a jamais été aussi fort alors qu’elle est attaquée de toutes parts, nationalement avec un Parlement de plus en plus marginalisé comme localement avec des conseils de quartier vidés de leur substance. Comme le disait Arnaud Montebourg que j’ai soutenu avec force, « les citoyens doivent faire irruption dans le système politique » et cela ne peut être que bénéfique pour la ville et pour la gauche. Par contre, n’excluons pas le politique par avance, ce sera à lui de s’adapter à cette nouvelle donne et tous ceux qui voudront s’engager dans cette démarche seront les bienvenus.