Cela fait plus de 20 ans que j’anime des ateliers autour du théâtre, de la poésie et du conte dans les écoles. Il m’est toujours apparu et il m’apparaît encore que la présence d’enfants et de jeunes « handicapés » dans les écoles est une très grande richesse. Cela permet aux élèves en situation de handicaps de suivre une scolarité la plus normale possible, grâce aux personnes qui s’occupent de lui et l’aident à surmonter ses problèmes, et cela nourrit l’ouverture d’esprit de ses camarades. Aussi, j’ai été choqué lorsqu’un candidat aux élections présidentielles s’est prononcé pour le retrait de ces enfants, de ces jeunes, du circuit scolaire pour qu’ils soient placés dans des instituts spécialisés. D’une part, séparer les enfants en situation de handicap des enfants dits « normaux », s’apparente à une forme de ségrégation, d’autre part, parler des « handicapés » d’une manière générale me paraît aberrant tant les handicaps et les situations de chacun sont différents ! Les problèmes d’un enfant sourd ne sont pas les mêmes que ceux d’un enfant dyspraxique ou d’un enfant autiste… Par ailleurs, les instituts spécialisés existent déjà (peut-être pas en nombre suffisant ?). Il est évident que tous les enfants ne peuvent malheureusement pas suivre une scolarité au sein d’un établissement scolaire « normal ». Cela n’empêche en rien le fait qu’il faille tout mettre en œuvre pour les aider. Au sein d’une même « catégorie », les différences sont énormes. J’ai ainsi travaillé auprès de jeunes trisomiques dont certains, à 17 ans, n’arrivaient pas à lire tandis que d’autres, malgré de grosses difficultés, parvenaient à faire des études.
Depuis déjà quelques années, j’ai aussi découvert avec bonheur que les regards des jeunes qui avaient un camarade « handicapé » dans leurs classes évoluaient, que les moqueries d’il y a 20 ans laissaient place à beaucoup de bienveillance. Je pense notamment à des jeunes de 4ème auprès de qui j’avais animé des ateliers autour de la poésie et dans laquelle se trouvait une élève qui avait la maladie des os de verre. Elle venait au collège et en repartait en ambulance. Toutes les personnes du collège étaient conscientes de sa maladie et chacun faisait très attention à elle, lui portait son cartable, l’aidait. Je ne donne ici qu’un exemple mais je pourrai en donner des dizaines. Certaines maladies se voient d’autres sont invisibles et pourtant elles existent. Les problèmes sont extrêmement complexes et, si parler des « handicapés » est important, ceux-ci ne peuvent pas être enfermés dans des phrases toutes faites par tel ou tel responsable politique, surtout quand celui-ci n’y connait visiblement rien.
Afin d’enrichir mon regard sur ce sujet, j’ai invité, sur les réseaux sociaux, toutes les personnes qui le souhaitaient à s’exprimer sur la question de l’insertion des enfants et des jeunes en situation de handicap dans les établissements scolaires, même si, encore une fois, pour toutes les raisons que j’ai déjà évoquées, cette appellation ne sert à rien d’autre qu’à désigner des personnes qui rencontrent un certain nombre de problèmes. Si il fallait enlever des établissements scolaires tous les enfants qui ont des problèmes, je crois qu’il n’en resterait pas beaucoup dans les écoles ! Plusieurs internautes, à juste titre, m’ont fait remarquer que tous les enfants n’ont pas les capacités de suivre une scolarité et qu’ils ont besoin d’être pris en charge dans des instituts spécialisés. D’autres ont souligné le manque de moyens dans les établissements scolaires, le manque de personnel d’accompagnement, d’auxiliaires de vie sociale (j’avais déjà souligné ce problème dans plusieurs de mes articles). Quand nous parlons d’inclusion, certains ont mis en avant que tout dépendait de quelle manière cette inclusion était faite (inclusion complète ou partielle ? Avec quel accompagnement ? selon quels types de handicap…) Un professeur, qui doit gérer une trentaine d’élèves dans sa classe, peut-il réellement être à l’écoute des besoins de l’enfant en situation de handicap si il manque du personnel soignant et éducatif spécialisé dans tel ou tel domaine bien particulier ? On peut d’ailleurs également se poser la même question pour un enfant dit « normal » mais qui éprouve des difficultés à suivre.
Ce qui est certain c’est que, dans l’éducation, dans le médical, comme dans de nombreux autres domaines, il manque encore beaucoup de personnel dont le rôle est essentiel, de moyens évidemment et une vraie politique au service du mieux vivre de chacun.