Rompre avec la mécanicité


Avec le temps, J’ai compris pourquoi un système basé sur le profit sera toujours en conflit avec notre sentiment profond d’humanité. D’une part, ce système qui s’oppose à la vie elle-même rend difficile l’expression de notre humanité. D’autre part, diverses expériences sociales m’ont permis de ressentir qu’une force prend sa source, je crois,  dans le dessein même de l’humanité. Ce dessein est contrarié, mais il cherche toujours à s’exprimer.

Gustav Landauer, l’anarchiste philosophe développe cette idée sur le dessein révolutionnaire dans cet ouvrage.

Les différentes expériences que j’ai vécues — qu’elles soient de lutte « révolutionnaire », de mise en place d’alternatives concrètes ou simplement de solidarité — ne s’opposent pas ; elles découlent toutes d’une même source : notre besoin fondamental d’être pleinement humains et de défendre la vie. En travaillant depuis ce niveau d’approfondissement du pourquoi j’agis, les convergences deviennent possibles, surtout à une échelle locale où l’on peut échanger directement, de cœur à cœur.

« l’effervescence de l’émancipation et le plaisir de la révolte sont communicatifs et contagieux » disait notre ami penseur libertaire stéphanois , Lukas Stella.

https://www.editions-harmattan.fr/catalogue/livre/linvention-de-la-crise/38914

Si j’observe  mes expériences, celles qui m’ ont le plus marquées, ont en commun une densité de sentiment, la sensation  de vivre quelque chose d’essentiel. Chaque moment semble construire des espaces de liberté qui, bien qu’éphémères, sont vécus intensément. C’est comme une temporalité de liberté où la conception linéaire du temps s’efface. C’est une expérience à vivre ; il faut « entrer » dans cette dynamique, comme une quête vers l’essentiel. Cela peut sembler incompréhensible à ceux qui ne sont pas « dedans ».

Prenons l’exemple des Indignés en 2011 : comment peut-on passer des heures, des jours, des semaines à discuter assis par terre sur des places publiques ? Cela peut sembler ennuyeux et sans intérêt, à moins qu’il ne se passe quelque chose à l’intérieur des personnes.

Un historien comme Sergio Tischler, qui a étudié le mouvement néo-zapatiste, parle de « temporalité d’émancipation ». Il affirme que « l’autonomie est un processus de dépassement de la domination, produisant une temporalité d’émancipation, un mode d’organisation du temps radicalement différent de la temporalité abstraite et vide du capital et des institutions. » Lorsque cette pensée instrumentale s’effondre, la conception linéaire du temps s’effondre avec elle et c’est comme reprendre vie.

https://www.decitre.fr/livres/neozapatisme-echos-et-traces-des-revoltes-indigenes-9782849503614.html?srsltid=AfmBOor-xtZPxhplaLe6SAGaW0-9AO16QZokvk7XJVtS5TXh0qlP3p8V

J’adore ces moments. Reprendre la maîtrise de notre temps, donc de notre liberté, est essentiel pour espérer, ne serait-ce qu’imaginer, un futur différent. Ce sentiment de liberté et d’autonomie, même si éphémère, est une expérience profondément enrichissante et libératrice. C’est ce que je garde en mémoire, cette intensité de vivre ensemble, d’échanger, de réfléchir et de créer des espaces où le temps devient un outil de transformation et non une contrainte.

Laisser un commentaire